vendredi 11 janvier 2008

Carte postale

A ceux qui regrettent encore le bon vieux temps des pellicules photos, nous dédions cette expérience...


J'étais étudiant en sciences économiques et cherchais du boulot d'été à l'ANPE. Je postule pour une annonce pour bosser dans un labo de photo, pas d'expérience exigée.
Je reçois une convocation pour des tests, que je termine le premier (j'étais angoissé d'avoir fini si vite !) mais bon, les tests, c'était trois négatifs : un dé, un éléphant, la tour Eiffel, à relier à trois photos : un dé, un éléphant, la tour Eiffel ou 2 négatifs : un arbre, une voiture et 3 photos : un arbre, une voiture, une usine : quelle photo n'a pas de négatif?
La semaine d'après, courrier pour entretien d'embauche, des questions bateau avec un DRH qui après 10 minutes me dit : "je vous embauche et vu votre CV et les résultats de vos tests, j'ai la place qu'il vous faut, vous commencez lundi".
Tu parles si je jubilais.
Le lundi, je me pointe, c'était pas un labo photo mais une usine, qui développait 30 000 pellicules/jour avec des pointes à 45 000 (en 3x8) à l'entrée le négatif dans sa boîte noire, à la sortie les photos dans les pochettes expédiées aux 4 coins du grand nord-ouest ! Ma place, c'était dans une cabine téléphonique: on m'amenait un petit chariot dans lequel il y avait 500 mètres de papier où on avait transféré les négatifs. Je le montais avec un petit ascenseur à ma hauteur, je fermais la porte et... NOIR TOTAL ! Et là, dans le noir, j'ouvrais le chariot, tirais la grosse bobine bien lourde montée sur son axe, la mettais dans une enveloppe étanche à la lumière, ouvrais une trappe "boite à lettres", y glissais l'enveloppe, attrapais une enveloppe avec une grosse bobine bien lourde vierge, la remettais sur son support (putain, il est où l'axe??), fermais le chariot et - enfin - ouvrais la porte, retour à la lumière, cinq petits chariots prêts devant moi, ascenseur, on descend le vierge, on prend un de ceux qui sont prêts ascenseur, on le remonte, on ferme la porte et NOIR TOTAL...
J'y ai passé trois mois. Trois mois à me demander (enfin, les moments où la bobine ne se casse pas la gueule par terre, le film qui se dévide et toi comme un con dans le noir en train d'essayer de bourrer tout ça comme avec tes collègues en train d'hurler et de taper à la porte "mais putain tu fous quoi là-dedans"), trois mois à me demander à quoi pensait le mec en me disant " vu votre CV et les résultats de vos tests, j'ai la place qu'il vous faut"
Un jour, en descendant au sous sol (ou il faisait encore plus chaud, rien n'était isolé et entre le soleil et les machines... Et pour ma pomme, pas question d'aérer dans ma cabine téléphonique) j'ai vu ce que c'était les gars avec moins de diplômes que moi(enfin, je l'ai présumé), un mur gigantesque de boites avec des codes postaux, des chariots plein la gueule de pochettes photos en vrac, avec un code postal dessus et tout ça à mettre en case. Le tout, bien évidemment au rythme effréné de la chaîne qui vomit ses photos : car, monsieur, "le client n'attend pas". Putains de bonnes vacances !

John Doe

1 commentaire:

Véronique Poulain a dit…

wao, ça c'est du texte ! Quel monde de cinglés...