mercredi 5 décembre 2007

Oui!

Dans les mariages, on prend souvent les types munis de caméras pour des cousins éloignés de l'une des familles. Or, il existe des profesionnels de l'affaire...

J’avais 19 ou 20 ans, un besoin urgent d’argent. Je voulais absolument un magnétoscope VHS pour pouvoir visionner en boucle Hitchcock, Spielberg et Welles. J’ai donc accepté de filmer des mariages. Tous les week-end, j’allais filmer des gens qui faisaient la fête, qui promettaient de s’aimer pour la vie, qui dansaient, buvaient et souvent vomissaient.
Bref, un jour, le producteur de cette « grande maison de production », m’envoya effectuer seul le tournage d’un mariage à la mairie de Drancy.
Seul … . D’abord trouver Drancy, puis la mairie.
J’emprunte la 104 orange de ma mère et arrive finalement, transpirant, encombré par des câbles, une caméra pas pratique, un micro que je n’arrivais pas à brancher … .
Les invités, la famille, les mariés me regardent bizarrement genre « Merde, c’est qui ce gus qu’ils ont envoyé ? Ah, les enfoirés ! ». C’est vrai que je mettais plutôt l’argent de côté pour le VHS que pour mes fringues, qui me donnaient l’air, je dois l’admettre maintenant, d’un préposé aux allocations familiales du Tamil-Nadu. Pantalon large marron, un peu trop court, veste à carreaux trop grande et pull tricoté par ma grand-mère, chaussures usées et pas cirées.
Bref, ces regards appuyés pénibles et limite vexant finissent par passer, car ça y est, on passe aux choses sérieuses. L’adjoint au Maire invite les gens à s’asseoir. Je commence mon filmage. Je suis nerveux, je transpire, je connais pas encore bien les différentes étapes du mariage, donc j’attends fébrilement le moment, où le Maire va demander si les époux consentent à s’emmerder ensemble toute leur vie. Pour ne rien manquer je filme tout, sans arrêt.
Et évidemment, à l’instant où les époux, les larmes aux yeux disent le fameux oui, ma caméra ne tourne plus. Plus de cassette. Putain, je fouille mes poches, j’en trouve une, déchire le blister, enfonce la cassette dans la caméra, et je recommence à tourner, … trop tard.
Le maire continue à faire son discours, et moi, je tape discrètement sur l’épaule du marié, et je lui demande de redire juste « OUI », comme ça moi après je l’insérerais dans le montage, et si madame pouvait faire la même chose , ça m’arrangerait. Regard noir du marié, qui ne me répond même pas. Bon ok … J’ai foiré.
Quelques instants plus tard, la célébration se termine, je rechoppe les mariés dans les escaliers je réitère ma demande, et là, refus catégorique. Je n’aurais pas mes « OUI ».
Je rentre donc épuisé par tant de stress, à la boîte de prod. et livre les cassettes au producteur, je demande mon cash tout de suite, et je me barre sans me retourner.
J’avais décidé d’un truc : je ne tournerais plus jamais de mariage de ma vie.
Parce que rater le tournage du mariage même si ce sont des parfaits inconnus, c’est pas possible, c’est juste qu’on se dit qu’on est qu’une merde.

Marc Sieger

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