lundi 15 octobre 2007

Allô, bonsoir!

Vous vous mariez? Attendez que le téléphone sonne,
vous allez rire...


La société de crédits Cofinoga embauche en CDD des gens pour des missions de phoning. Pistonné par une ex-tante, j’obtiens quinze jours de travail dans les sous-sols réservés à ce corps d’élite, dans une zone commerciale de Mérignac (33). Nous sommes aux alentours de Pâques et le mois de juin se profilant, la Cofinoga s’est procurée, via les indiscrétions de la publication publiques des bans, les listes de tous les mariages qui auront lieux en Région Parisienne au cour de l’été. On nous confie donc des kilomètres de coordonnées où sont mentionnés les noms, prénoms, adresses et numéros de téléphones des futurs mariés. Charge à nous de les appeler et de leur vendre les listes de mariages des Galeries Lafayette, avec à la clé un cadeau bonus. L’heure du coup d’envoi est à 19H30, qui est, selon des calculs savants le moment M où les Parisiens arrivent chez eux le soir. Le principe est de passer le moins de temps possible au téléphone pour arroser le maximum de personne, d’envoyer le plus d’informations et surtout, surtout, de demander à parler exclusivement à Madame, la femme étant certainement, toujours selon des calculs savants, plus réceptives à l’offre alléchante que Cofinoga propose.
Je suis un garçon appliqué et dur à la tâche. Comme bon nombre de mes contemporains, je mets mon mouchoir sur mes convictions et j’exécute. Dès ce premier soir, en dehors des raccrochages intempestifs, des mères débordées par leurs enfants et des maris à l’inquiétude paranoïaque de se voir ainsi découvert en plein préparatifs, j’ai eu le loisir d’entendre cette femme qui, m’ayant laissé débiter mon article sans m’interrompre, a pris le temps d’avaler sa salive avant de m’informer que le mariage n’aurait pas lieu parce que son fiancé venait de mourir dans un accident de la circulation. Quelques-uns m’ont aussi conté le départ inopiné de la promise avec un ami de la famille ou un collègue de travail. Au cour des quinze jours qui ont suivi, cette triste litanie s’est tranquillement poursuivie, sans grandes variantes. A tel point que j’ai fini par me demander s’il n’y avait pas là-dessous une sorte d’association obscure de gens se communiquant des séries de prétextes chocs capables d’endiguer le flots des agressions promotionnelles téléphoniques. A ceux-là, je tire ma révérence. J’encourage les autres à faire de même.

Sébastien Gendron

1 commentaire:

Anonyme a dit…

je t'aime